UNE ECOLE POUR COMPRENDRE LE MONDE
ET POUR LE TRANSFORMER
1 – ATTENDRE EN PARANT LES COUPS OU S’ORGANISER POUR TRANSFORMER LA SOCIETE ?
Nous n’avons peut-être pas tous les mêmes raisons de participer à cette école de base du Parti. Mais il y en a au moins une que nous avons en commun c’est la volonté de transformer quelque-chose dans notre vie au lieu de subir passivement les événements. Et ça, c’est déjà un pas en avant.
Pour certains d’entre nous, il s’agit peut-être simplement de « se transformer eux-mêmes » : apprendre ce qu’ils ne savent pas, comprendre ce qu’ils ne pigent pas… Ce n’est déjà pas si mal ; mais nous pensons que ça ne suffit pas. On ne se transforme pas soi-même sans transformer d’une manière ou d’une autre le monde qui nous entoure.
Pour d’autres camarades, sans doute plus nombreux, le problème est d’abord de transformer ce qu’ils vivent directement. Comment relancer la lutte dans les entreprises ? … Si un des résultats de cette école est d’aider des camarades parmi nous à y voir plus clair dans les contradictions qu’ils vivent chaque jour et de mieux mener leurs luttes, ce sera une bonne chose, car c’est aussi un rôle important de l’organisation… Mais ce n’est pas notre but principal.
L’objectif que nous fixons à cette école est plus large. Parce que la transformation de notre vie est un problème plus large. Pour transformer vraiment et durablement notre vie, il faut transformer toute la société : il faut « transformer le monde ». Le NPCH (ML) est une organisation politique, qui se donne comme but le renversement du capitalisme et l’instauration du socialisme, pour construire une société communiste. Et notre école est donc une école politique, dont la tâche est de former des camarades dans cette perspective.
Il vaudrait mieux dire: « de commencer à former des camarades », car il n’y a pas de diplôme de communiste ni d’agrégation es marxisme-léninisme. On se forme toute sa vie. La lutte nous forme par la pratique. Le but de cette école est de nous former à la théorie dont nous avons tant besoin. Nous disons bien de « nous » former. Ici les « formateurs » se forment aussi : à manier les contradictions, à lier la théorie à la pratique…
« Transformer le monde ? » Ils n’ont pas peur les camarades de NPCH (ML) !…
Certains d’entre vous vont trouver qu’on n’a pas froid aux yeux. Et c’est vrai que nous n’avons pas peur de regarder en face la tâche immense qui nous attend. C’est notre fierté et c’est pour ça que nous sommes encore organisés alors que tant de vieux copains ont un peu baissé les bras…
Oh rassurez-vous, nous ne nous prenons pas pour des Hercules. Nous ne prétendons pas faire tout le travail à quelques uns. Mais nous n’attendons pas non plus que « les autres » se réveillent pour ouvrir le chantier.
Quand on veut démolir une vieille bâtisse pour construire un immeuble neuf, on commence par abattre un pan de mur avec une pioche pour faire rentrer un bull. Puis on déblaie un espace suffisant pour monter une grue.
Aujourd’hui la vieille bâtisse capitaliste se lézarde mais elle est loin d’être en ruine et elle n’est sans doute pas prête de tomber toute seule. Le bulldozer de la classe ouvrière est en panne, il marche par à-coups. La grue rouillée du PUCH, d ‘OPL, Fusion et autres se casse la figure et la nouvelle est en pièces détachées… Pas réjouissant tout ça !…
Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On sort nos mouchoirs et on attend que la baraque nous tombe dessus, au risque de prendre des gravats plein la tête sans que la bicoque s’écroule complètement ? On étaie en espérant que ça tombera à côté , comme le font les réformistes ? Pour nous, pas question !
Nous avons des bras et des têtes. Nous avons une pioche : c’est le marxisme-léninisme. Le bulldozer de la lutte des classes est toujours là, les ouvriers des entreprises, entre autres, viennent de le rappeler à ceux qui en doutaient. La grue de l’organisation est sur le camion, en pièces détachées. Il en manque peut-être quelques morceaux, la notice d’emploi est un peu dépassée… Faisons l’inventaire, forgeons les pièces qui manquent, mettons à jour le mode d’emploi…
Nous avons une grande expérience : celle du mouvement ouvrier. Il s’agit de nous en emparer et de nous en servir. Nous ne sommes pas seuls : beaucoup de camarades ici et là, en Haïti et dans le Monde, se posent les mêmes problèmes et se fixent les mêmes tâches que nous.
Et puis nous avons une grande force : c’est que nous n’avons rien à perdre, mais au contraire une autre vie, « un monde à gagner ».
Aujourd’hui la bourgeoisie parait forte, mais sa situation n’est pas si brillante que ça. Il suffit de regarder d’un peu plus près les contradictions qui la déchirent (c’est ce que nous ferons en étudiant la situation internationale) pour voir qu’au fond, sa force, c’est notre propre faiblesse, et d’abord notre ignorance.
Pour transformer le monde, il faut d’abord le comprendre !…
Il faut comprendre les lois du développement historique des modes de production. Comprendre où en est l’évolution de la société capitaliste dans laquelle nous vivons.
Comprendre par exemple pourquoi et comment le capitalisme, qui a permis de faire progresser l’humanité jusqu’à la possibilité matérielle de construire une société nouvelle, est devenu aujourd’hui le principal obstacle à ce progrès.
Nous sommes à l’époque de l’impérialisme, c’est à dire à une époque où le mode de production capitaliste s’est répandu sur l’ensemble de la planète. Cette domination engendre des contradictions dont nous ressentons les effets tous les jours. Ce sont les contradictions de classe entre bourgeoisie et prolétariat, les contradictions entre les pays impérialistes et les peuples dominés et les contradictions internes à l’impérialisme : entre pays impérialistes et entre trusts.
Si ici ou là ces contradictions semblent se résoudre, s’atténuer (remise d’une partie de la dette, simulacres de désarmement, relance économique) nous pensons qu’elles ont au contraire tendance, globalement, à s’aiguiser. C’est une situation qui nous est favorable. Plus les contradictions s’approfondissent, plus l’impérialisme a du mal à maîtriser la situation. Plus il a du mal à perpétuer sa domination, plus il devient dangereux… et plus le communisme représente une nécessité urgente.
… Et s’organiser !
Mais même si la situation « appelle » en quelque sorte de plus en plus le communisme, celui-ci n’arrivera pas tout seul, comme un fruit mûr qui tombe de l’arbre. En effet, l’exploitation et l’oppression appellent la révolte de la part des masses qui les subissent. Mais pour quel résultat ? Combien d’émeutes de la faim sans lendemain ? Combien de grèves puissantes ont été fourvoyées et ensevelies ?
La révolution prolétarienne, ce n’est pas simplement la révolte des prolétaires. C’est bien plus. C’est un soulèvement de massequi vise à transformer la société. Un soulèvement qui doit nécessairement être organisé.
Militairement c’est évident : on ne gagne pas une insurrection, une guerre civile, sans une force armée organisée à opposer aux mercenaires de la bourgeoisie. Mais d’un point de vue économique, social et politique, c’est tout aussi nécessaire : on ne se débarrasse pas de l’exploitation sans le faire exprès. On ne se débarrasse pas de l’oppression de l’Etat par hasard.
Cela aussi ça s’organise. Cela demande qu’un bon nombre de gens prennent conscience de la nécessité des transformations à accomplir. Que ces gens, munis de cette conscience, créent une organisation qui regroupe massivement ceux qui ont intérêt à abattre ce système : les exploités.
Cela demande que la classe des prolétaires agisse pour son propre compte, qu’elle cesse d’être simplement une classe « en soi » et qu’elle devienne une classe « pour soi ».
2 – LA CLASSE « EN SOI » ET LA CLASSE « POUR SOI »
La classe « en soi », c’est la classe des prolétaires (ceux qui ne possèdent que leur force de travail). Elle existe objectivement, même si les ouvriers n’ont pas conscience d’appartenir à une classe. Les ouvriers existent, en tant qu’ouvriers, par la place qu’ils occupent dans les rapports de production. Qu’ils soient conscients ou pas de leur situation : tous ensemble, ils forment la classe « en soi ».
La classe « pour soi », c’est la classe qui agit consciemment pour ses intérêts, pour elle-même. Les ouvriers ne sont plus une somme d’individus ou de corporations éclatés. Ils convergent vers des objectifs communs : des objectifs révolutionnaires. Aujourd’hui, la classe ouvrière existe comme classe « en soi », mais pas comme classe « pour soi ».
Le Parti Communiste, c’est l’élément essentiel de la classe « pour soi ».
La classe ouvrière existe comme classe « pour soi » quand elle est structurée à travers un tissu d’organisations qui assurent la défense de ses intérêts : les syndicats bien sûr, mais aussi les associations d’entraide, les groupes de jeunesse, les groupes de libération des ouvrières et des employées, les comités de quartier, les groupes culturels etc…
Cependant l’organisation la plus nécessaire, la clé de voûte du système, c’est le parti.
Le parti, c’est l’organisation de la frange la plus consciente et la plus active du prolétariat, ainsi que des éléments qui sont extérieurs au prolétariat mais qui se battent pour les intérêts de celui-ci.
Par le débat, par l’échange constant des points de vue, cette « avant-garde »de militants fait converger sa réflexion et ses actions en une activité collective au service des intérêts historiques du prolétariat.
C’est ce parti qui élabore et qui porte le programme de transformation sociale. Il se fixe comme but le communisme. C’est pourquoi on l’appelle « Parti Communiste » (malgré le risque de confusion avec l’actuel PCF, un parti qui n’a plus rien de communiste).
C’est ce parti qui puise dans l’expérience des luttes et des révolutions passées les enseignements pour aujourd’hui. C’est lui qui assure la direction du processus révolutionnaire.
Car, répétons-le : autant la révolution n’arrive pas toute seule, autant le capitalisme en créé périodiquement les conditions. Périodiquement, le développement des contradictions de la société capitaliste, la nécessité pour la bourgeoisie d’aliéner chaque jour un peu plus la classe ouvrière… tout cela crée dans la plupart les pays des situations de blocage et provoque au niveau mondial un état de crise généralisée.
Cela engendre des situations qu’on peut qualifier de pré-révolutionnaires. De telles situations peuvent mûrir et aboutir à une révolution prolétarienne. Encore faut-il y être prêts. Encore faut-il qu’il existe un parti réellement communiste. Est-il besoin de dire qu’aujourd’hui, en Haïti, il n’existe pas !
La conscience n’arrive pas toute seule, au fil des luttes !
Alors que faut-il faire ? Quel est notre rôle ? A quoi sert l’école ? Faut-il, d’ailleurs, faire quelque chose ? Puisque les contradictions se développent, n’est-il pas plus simple d’attendre qu’elles éclatent et que le capitalisme se casse la figure tout seul ?
L’émergence politique de la classe ouvrière, sa constitution en classe consciente, en classe « pour soi », n’est-elle pas automatique, au fur et à mesure de l’aiguisement du conflit avec la bourgeoisie ? La constitution du Parti ne vient-elle pas tout naturellement au cours du mûrissement de la situation révolutionnaire ?
On pourrait attendre qu’au fil de luttes de plus en plus amples, de plus en plus dures, la conscience ouvrière s’élargisse progressivement jusqu’à ce que s’impose à elle la nécessité de la révolution et du communisme.
Malheureusement, les choses ne se passent pas ainsi. Livrée à elle-même, la lutte des ouvriers reste prisonnière des rapports d’exploitation. « Il y aura toujours des patrons et des ouvriers ». On entend ce genre de réflexion couramment, même au coeur des grèves les plus dures.
La lutte ouvrière peut se politiser d’elle-même, mais ça se réduit à ce que, dans l’histoire, on a appelé le « trade unionisme » (du nom des syndicats anglais: les trade unions), une sorte de syndicalisme politique. Ce trade unionisme, c’est la lutte politique pour des réformes qui améliorent la situation matérielle de la classe ouvrière dans le cadre du capitalisme.
Cette lutte politique spontanée pour l’amélioration de la situation des exploités dans le cadre du système capitaliste aboutit à la constitution de partis réformistes.
De ces partis naît une couche bureaucratique qui s’intègre au personnel politique de la bourgeoisie tout en prétendant oeuvrer pour les intérêts ouvriers.
C’est le cas du parti Fusion, du PCH, MRN, OPL En retour, de tels partis en arrivent à combattre les grèves qui mettent en cause la société.
Ils visent à cantonner tout mouvement ouvrier dans le respect des règles du jeu capitaliste.
Ils obscurcissent la conscience ouvrière.
Non, la conscience ne vient pas toute seule au fil des conflits ouvriers/patrons.
La conscience arrive de l’extérieur du rapport immédiat ouvriers/patrons.
Historiquement, cette conscience a d’abord été le fait d’intellectuels extérieurs à la classe ouvrière (Karl Marx était un bourgeois). C’est parmi eux que s’est constitué une théorie critique du capitalisme et une philosophie révolutionnaire. C’est parmi eux que le projet socialiste s’est développé.
Aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement de l’extérieur du prolétariat que viendra la lumière, mais c’est, répétons-le, de l’extérieur du rapport immédiat ouvriers/patrons. Pour diriger son bateau sur l’océan, il faut des informations météo. Et pour avoir ces infos il vaut mieux avoir une bonne photo satellite que de se fier à ses rhumatismes.
Pour la pratique sociale c’est pareil. Il nous faut avoir du recul. Nous avons besoin d’une compréhension de l’enchainement des modes de production, d’une analyse des fondements économiques de notre société, d’une analyse de la situation de toutes les classes et des rapports entre elles, ainsi que les grandes lignes du projet socialiste.
3 – LA THEORIE GENERALE DE LA REVOLUTION,
C’EST LE MARXISME-LENINISME
La conscience s’acquiert par la rencontre d’une pratique et d’une théorie. Bonnes ou mauvaises, justes ou fausses, nous avons tous déjà une pratique et une théorie. Comment s’étonner que dans une société dominée par une classe, celle-ci puisse imposer par tous les moyens dont elle dispose (l’école, la télévision, les médias, la culture…) son mode de pensée; sa vision partielle du monde, son idéologie: l’idéologie bourgeoise?
Notre école n’est pas seulement une école d’apprentissage. Nous voulons qu’elle soit une école de lutte: lutte pour acquérir une théorie prolétarienne, contre les idées bourgeoises.
Le rôle de l’école n’est pas d’orienter directement notre pratique. Cela, c’est le rôle, entre autres, de l’organisation.
La tâche spécifique de l’école, c’est de nous apporter les rudiments de la théorie marxiste-léniniste qui nous permettra : d’une part, d’orienter notre pratique, d’autre part de lutter contre les idées fausses.
L’école, c’est « connaître pour transformer ». Le marxisme-léninisme, c’est la théorie générale de la révolution. Ce n’est pas une théorie achevée, fermée… C’est au contraire une théorie ouverte, vivante, à laquelle chacun apporte sa contribution, que chacun peut enrichir de son expérience et de sa réflexion. C’est d’abord une théorie de l’action. Ce qui est appris, il faut que ça serve.
Ces connaissances que l’école vous apporte, nous comptons bien que vous les enrichissiez et que vous les diffusiez à votre tour.
La question de l’organisation.
Il est bien certain que la mise sur pied de cette école est sous-tendue par notre volonté de construire l’organisation du prolétariat. La constitution de la classe « pour soi », c’est aussi et d’abord la construction d’un parti.
Ceci dit, l’adhésion au NPCH n’est ni une condition d’entrée à l’école, ni une condition de sortie, ni même une condition pour travailler ensemble en dehors de l’école. L’école sert à vous donner les moyens de choisir : de choisir telle ou telle organisation; ou de ne pas être organisé. Mais, si vous vous organisez, comme nous le souhaitons, son but est de vous permettre de choisir quelle voie suivre, quelle ligne défendre. L’école est le moyen d’acquérir les bases théoriques pour participer pleinement à la vie de l’organisation.
Dans la société que nous voulons construire, il n’y aura plus les OS d’un côté, et les chefs de l’autre. Puisse cette école faire en sorte qu’il en soit ainsi, dès aujourd’hui, dans le NPCH !